Vous êtes prisonnier avec deux autres compagnons et condamnés tous les trois à mort. Bon c’est pas très folichon comme perspective, mais au moins vous verrez qu’elle stimulera vos neurones, même si c’est peut-être pour la dernière fois.
Le gardien vous indique que le chef de l’Etat, dans sa grande mansuétude, a décidé de gracier l’un de vous trois (et un seul). Lui-même sait lequel de vous trois est le petit veinard, mais il a interdiction de vous le révéler.
Vous réfléchissez un instant et lui proposez malicieusement de vous indiquer discrètement, parmi vos deux compagnons, l’un de ceux qui sera condamné (et il y en aura au moins un).
Il accepte à condition que vous ne le disiez pas à vos petits camarades. Marché conclu. Il vous désigne le numéro 2.
Vous le remerciez chaleureusement de cette précieuse information. Vous avez maintenant une chance sur deux d’être gracié au lieu d’une chance sur trois la minute d’avant. Quel soulagement!
Le gardien hoche la tête d’un air dubitatif (voire navré) et se retire en grommelant que vous perdez les pédales.
Vous êtes pris d’un doute: avez-vous réellement gagné en espérance de vie?
Le paradoxe de Monty Hall*
Pour le savoir , je vous emmène faire un petit détour par une situation plus glamour. Cette fois vous n’êtes pas condamné, mais invité à un jeu télévisé « Qui veut gagner une cadillac? ». C’est mieux, non? Un sympathique animateur, vous montre trois portes fermées et vous explique que derrière l’une d’elles se trouve une cadillac tandis que les deux autres dissimulent chacune une chèvre (car l’animateur Jean-Pierre Caufoult déteste les chèvres, allez savoir pourquoi).
Vous devez choisir une des trois portes et vous repartirez avec ce qui se trouve derrière, chèvre ou cadillac. Vous désignez donc une porte au hasard, la première par exemple.
Coup de théâtre! Avant de vous dévoiler votre lot, l’animateur -qui sait où se trouve la cadillac- veut vous aider un petit peu en vous montrant parmi les deux autres portes restantes celle qui dissimule une chèvre. Supposons que ce soit la deuxième. Puis il vous offre la possibilité de choisir de nouveau la porte que vous voulez.
Voulez-vous maintenir votre premier choix? Ou changer d’avis et choisir la troisième porte? Est-ce que cela revient au même?
Dilemme… Vous vous dites que maintenant qu’une chèvre est dévoilée porte 2, il y a autant de chance que la cadillac soit porte 1 ou porte 3. Donc que ça ne sert à rien de changer votre choix initial: ce maudit animateur ne cherche qu’à vous embrouiller!
D’ailleurs, poursuivez-vous, puisque l’information sur la porte 2 vous a été donnée après que votre choix initial de la porte 1, cela ne modifie pas la probabilité que la porte 1 soit la bonne. Donc ça ne change pas non plus celle de la porte 3.
…
Vous êtes sûr?
…
Vous avez le droit de réfléchir.
…
La solution de Monty Hall
Pour en avoir le cœur net, comparons l’espérance de gain des deux stratégies (« ne pas changer » ou bien « changer de porte ») :
1ere stratégie: vous ne changez pas de porte
Avec cette stratégie, vous avez une chance sur trois de repartir en cadillac. L’information sur la porte 2 n’y change rien puisqu’elle a eu lieu après votre choix.
2eme stratégie: vous changez de porte.
Deux cas de figure sont possibles:
– soit la porte 1 que vous aviez initialement choisie était celle de la cadillac (probabilité 1/3) et en changeant d’avis vous êtes sûr de repartir avec une chèvre. Lose totale.
– soit la porte 1 était une porte à chèvre (probabilité 2/3) et en changeant d’avis, bingo! Vous êtes sûr de repartir avec la voiture!
Donc finalement en changeant de porte vous avez deux chances sur trois de tomber juste. Deux fois mieux qu’en ne changeant pas de porte!
Aussi bizarre que cela puisse paraître la bonne stratégie consiste donc à changer de porte après que l’animateur vous ait montré où était la chèvre.
Vous avez même la démonstration en vidéo (en anglais):
Si vous vous grattez encore la tête, rassurez-vous: les mathématiciens de tous poils se sont écharpés lorsque ce problème a été proposé pour la première fois en 1990 dans un supplément dominical de journaux américains. Mais l’expérience confirme qu’il est payant de changer son choix (essayez la simulation ici par exemple -c’est en anglais).
L’explication du paradoxe me semble être la suivante: l’information sur la porte 2 n’a pas changé la probabilité que la première porte soit la bonne. Mais elle a doublé les chances que la troisième porte soit gagnante, et ça c’est très troublant.
Mais en même temps c’est logique: la somme des probabilités de chacune des portes de cacher la cadillac vaut 1. Donc si la première a une probabilité de 1/3, la seconde de 0, la troisième probabilité est nécessairement 2/3…
Retour à nos trois prisonniers.
La situation des trois prisonniers est tout à fait similaire. Le « gracié » sans le savoir joue le même rôle que la porte derrière laquelle se trouve une cadillac (une chance sur trois).
Vous « êtes » la porte numéro 1. Vous avez une chance sur trois d’être gracié et, comme avec les chèvres, l’information que vous donne le gardien sur votre camarade numéro 2, n’augmente pas cette probabilité. Dommage pour vous.
Par contre c’est le condamné 3 qui est verni: il a maintenant deux chances sur trois d’être gracié (de même que la porte 3 était passée à 2 chances sur 3 d’être la bonne). C’est sans doute la raison pour laquelle le gardien – plus malin qu’il n’en avait l’air- vous avait fait jurer de ne rien dire à vos compagnons de cellule…
* Du nom de l’émission américaine (adapté par TF1 sous le nom « Le Bigdil ») qui a inspiré le problème.
7 comments for “>Un peu de gymnastique mentale…”