Réflexe photo-sternutatoire (euh… à vos souhaits!)

>Achù! (en espagnol)
En ces temps de psychose grippale, l’éternuement mériterait pourtant l’admiration d’un naturaliste attentif. Admiration car il bat tous les records de vitesse des mouvements corporels et propulse vos miasmes de 150 à 200 km/h (selon les sources). Une médaille d’or bien méritée grâce à un travail d’équipe qui mobilise la plupart des muscles de la gorge, de la poitrine et du visage. La légende veut que la réaction soit tellement violente qu’on ferme les yeux pour éviter qu’ils ne soient éjectés de leur orbite. Toujours soucieux de rétablir la vérité scientifique, mes enfants se sont fait un devoir de me démontrer qu’il n’en est rien. Tout au plus risque-t-on l’éclatement de quelques vaisseaux au fond de l’oeil sous l’effet de la forte pression qui s’y exerce. Il semble que l’on ferme les yeux par le même mouvement réflexe qui contracte les autres muscles de la face et de la gorge.

Tummal! (en malais)
Dans les livres, on explique que l’éternuement est une réaction de défense naturelle de l’organisme qui permet de dégager ses fosses nasales encombrées. L’hypothèse semble a priori raisonnable d’autant que l’obstruction partielle de la bouche oriente l’expulsion de l’air vers le nez (c’est d’ailleurs le choc de l’air sur les parois nasales qui provoque le « tchoum! » caractéristique). Sauf que l’air expulsé sort finalement bien plus par la bouche que par notre nez et qu’il faut bien se moucher après avoir éternué si l’on veut déboucher ses naseaux. Pas comme les chiens ou les chats qui éternuent effectivement par le nez, contrairement à nous. Je n’ai jamais vu de singe éternuer, mais je suspecte quand même l’éternuement d’être donc un simple réflexe hérité de nos ancêtres primates pour lesquels un odorat parfaitement bien portant était une question de survie. Mais pour les humains, l’éternuement ne servirait-il qu’à propager nos microbes?


Wa-hing! (en indonésien)
Reconnaissons-lui au moins une toute petite vertu: la sternuation peut signaler une allergie -poils de chats, pollen, acariens vous avez le choix. Pas forcément très utile à nos ancêtres dans la savane, mais c’est mieux que rien. Car on éternue sélectivement! Essayez de renifler les épices de votre cuisine, vous verrez qu’on n’éternue qu’avec certaines d’entre elles: le poivre par exemple, à cause de ses deux substances -capsaïcine et pipérine- les pince-mi et pince-moi de la sensation de brûlure dans la bouche. Quand vous les reniflez d’un peu trop près, elles vous chatouillent les neurones du nez et vous les rejetez en éternuant.

Atsiuh! (en finnois)

Il y a également d’étranges raisons d’éternuer: par exemple un quart d’entre nous éternuent quand ils fixent une lumière intense comme celle du soleil. Syndrôme baptisé ACHOO comme « Autosomal-dominant Compelling Helio-Ophthalmic Outburst » par des savants facétieux. Très gênant pour les pilotes d’essai chez qui une demi-seconde d’inattention peut être fatale… Ce phénomène a intrigué tout le monde, depuis Aristote, qui imagina que le réchauffement du nez par le soleil en était la cause. Plus près de nous, Francis Bacon a supputé que la lumière provoque un réflexe de lagrimation qui, en humidifiant intérieurement les fosses nasales déclenche l’éternuement. Cette élégante explication ne tient pas trop, car la « photo-sternutation » est instantanée alors que la lagrimation demande un tout petit peu de temps pour faire son effet. Les neurologues penchent actuellement plutôt sur un court-circuit dans notre plomberie neuronale: le nerf optique est très proche de celui du nerf trijumeau, responsable de l’éternuement. Lorsque le premier est brutalement stimulé par une lumière intense, il provoquerait parfois l’excitation du second juste à côté, ce qui provoque l’éternuement.

Apchkhi (en russe)

A vrai dire la génétique du syndrome ACHOO n’est pas été très bien étudiée, mais pour faire avancer le schmilblick les neurologues devraient peut-être se pencher sur un syndrome connexe: « l’éternuement épilatoire  » que j’ai découvert sur un forum de babillage.net -où va se nicher l’info scientifique! Certaines femmes éternuent lorsqu’on leur épile les sourcils. N’ayant trouvé aucune étude sérieuse à ce sujet, je penche d’instinct pour une explication à la Francis Bacon: arracher un poil sensible fait notoirement monter les larmes aux yeux ce qui -par débordement dans les conduits nasals – pourrait provoquer l’éternuement.

Kychnut! (en tchèque)

Plus étrange -mais aussi plus rare- la rhinite « lune de miel » a récemment été révélée par le très sérieux Journal of the Royal Society of Medicine. Les malheureux qui en sont atteints éternuent lorsqu’ils éprouvent du désir sexuel, quand ils fantasment ou après avoir ressenti un orgasme! On ignore les causes de cette réaction embarrassante, mais on soupçonne là encore un embrouillamini dans la circuiterie neuronale. Vous voilà prévenus la prochaine fois que l’on éternue dans votre entourage, hum, très très proche.

Va-t-on un jour découvrir des cas réels du syndrome « Franquin », le génial auteur de BD qui fait éternuer Gaston Lagaffe dès qu’il entend le mot « effort »?

Thummal! (en Tamoul)

Il y a peut-être une leçon d’évolution à tirer de cette curiosité physiologique qu’est l’éternuement, qui ne « s’explique » par aucun avantage évolutif significatif. Il semble qu’on ait ici affaire, comme pour le hoquet ou l’appendice, non pas au résultat de la sélection naturelle, mais à un effet collatéral (side effect) de macro-évolutions qui elles, présentent un avantage évolutif global. Cet exemple illustre à quel point l’évolution des organismes n’opère non pas sur tous les détails des organismes mais seulement sur leurs plans d’ensemble. Chaque particularité physiologique n’est pas nécessairement le résultat finement sculpté par des millénaires de sélection naturelle et il faut bien admettre une part de contingence dans certaines bizarreries naturelles. Qui songerait à rechercher un avantage évolutif dans le fait d’accoucher dans la douleur, sous prétexte que Madame Néanderthal souffrait autant que sa cousine Sapiens?

Sources:
Why do we sneeze when we look at the sun?
Looking at the sun can trigger a sneeze , Scientific American, Janvier 2008
Sneezing can be a sign of arrousal, BBC News, décembre 2008
Pourquoi le poivre fait-il éternuer , linternaute, janvier 2007
Et le blog Tripodología Felina (en espagnol) pour savoir comment on dit « atchoum » et « à vos souhaits » dans toutes les langues

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