Prenant la suite du billet de Sirtin, plusieurs blogueurs du C@fé des sciences racontent cette semaine pourquoi « ils kiffent la science » (ici et là). C’est l’occasion de vous expliquer pourquoi je suis moi-même un mordu de la chose scientifique, et surtout pourquoi j’ai cessé de l’être pendant 20 ans…
Je devais avoir 8 ou 9 ans lorsque mon frère aîné reçut « Biologie 2000 » puis « Chimie 2000 » pour Noël. Etait-ce parce qu’il était écrit « réservé aux plus de 14 ans » sur l’emballage, ou bien parce qu’elles contenaient des tas d’instruments mystérieux -pipettes, cornues et « cristallisoirs »? Toujours est-il que ces grandes boîtes m’ont immédiatement fasciné.
Je me souviens avoir passé des week-end entiers à faire et refaire les expériences décrites dans Chimie 2000 et d’autres bouquins qu’on m’a offerts par la suite: la limonade à base d’acide tartrique et de bicarbonate, les tests d’acidité au papier tournesol, le distillat-de-je-ne-sais-quoi… Par contre je n’ai jamais réussir à faire pousser de jolis cristaux de sulfate de cuivre.
J’ai dix fois failli mettre le feu à ma chambre en renversant le réchaud à alcool et m’ébouillanter en faisant bouillir des précipités dans des tubes à essai (je ne sais toujours pas comment éviter que le liquide gicle à ébullition). La moquette de ma chambre n’a que modérément apprécié le chlorure de potassium et ma mère n’était pas franchement rassurée quand je revenais du bazar du coin avec mon litron d’acide chlorhydrique (3 francs la bouteille -50 centimes d’euros- pourquoi s’en priver?). L’éditeur qui commercialiserait cette boîte de nos jours serait immédiatement incarcéré pour incitation au terrorisme et manipulation mentale sur mineurs (c’est le cas, m’indique-t-on d’ailleurs).
La biologie était moins risquée, mais une fois qu’on avait fini de disséquer LA grenouille et LA cigale de la boîte, on tournait vite en rond. Heureusement il y avait le microscope et le monde merveilleux des trucs transparents. Le top du top c’était de voir les paramécies grouiller dans une goutte d’eau croupie. J’avais par hasard expliqué ça au patron du laboratoire d’analyse médicale du coin, et trop sympa, il m’avait refilé quelques lamelles truffées d’amibes, de staphylocoques dorés, ou de bacilles colorées. Le kif total! En échange j’allais lui présenter fièrement mes œuvres – des coupes végétales transversales soigneusement colorisées et fixées sur des lamelles. Avec un succès mitigé. « Trop épais! On dirait une rondelle de saucisson, tu as au moins dix couches de cellules empilées là-dessus! ». Pan sur l’égo!
Au collège, j’ai découvert avec la physique que la nature obéissait à des règles mathématiques. Que les mouvements, les forces, l’énergie puissent se mettre en équation m’a fasciné. J’ai suivi des études scientifiques sans trop y réfléchir. Mais en prépa, les choses se sont gâtées. Overdose d’équations et de formalisme mathématique. Pas le temps de comprendre ce qui se cache derrière ces dérivées partielles ou ces maudits tenseurs, l’important c’est de connaître les techniques et de savoir les appliquer. J’ai passé les concours exsangue, dégoûté de tout ce qui touchait aux sciences et aux équations et bien décidé à ne plus y toucher.
J’ai eu la chance d’être reçu à Polytechnique qui m’offrait un vaste choix de sciences plus molles: économie, sémiologie, histoire de l’art etc. Deux ans de délices, suivis par une formation complémentaire sans une seule équation. Pour satisfaire ma curiosité naturelle, j’ai orienté ma carrière dans le marketing, c’est-à-dire aux antipodes de la science et de la technique…
Vers 40 ans m’est venue l’envie d’ouvrir ce blog qui était tout sauf scientifique au départ. L’idée était d’y consigner quelques idées éparses qui me trottaient dans la tête sur un peu tout et n’importe quoi. Mais de fil en aiguille, ma nature a repris le dessus. Mes billets se sont orientés progressivement vers des sujets plus scientifiques: évolution, statistiques, neurosciences… Invité à rejoindre le C@fé des sciences, j’y ai découvert des blogs passionnants dans lesquels la science retrouvait un sens, bien loin des équations terrorisantes. Et puis j’ai découvert la puissance d’internet, grâce auquel on peut approfondir n’importe quel sujet très facilement, y compris en demandant des explications ou un article à un chercheur vivant à l’autre bout de la planète.
Ça fait exactement 6 ans et 215 billets que je re-kiffe la science. Je suis de nouveau accroc au plaisir de comprendre comment ça marche et pourquoi le monde est tel qu’il est. Je kiffe de pouvoir vivre en direct la révolution scientifique des neurosciences, même si ce n’est pas mon métier. J’adore l’idée qu’il y a mille et une choses à découvrir à portées de clics. Merci à Tom Roud, Antoine, Taupo, Dr Goulu, David, Sirtin, Eljj… et tous les autres de m’avoir aidé à retrouver mon âme d’enfant… Et surtout merci à Xochipillette pour sa patience d’ange, lorsque j’y passe mes soirées 😉
18 comments for “Pourquoi je (re)kiffe la science”